Groupe phare du renouveau de la scène stéphanoise, Terrenoire a connu un succès d’estime avec son premier album pop moderne, « Les forces contraires ». Les deux frères, Théo et Raphaël Herrerias, nous livrent leur playlist idéale.
La playlist VIP :
Raphaël :
- « Tel » – Alain Bashung : Issu de dans l’album « L’imprudence ». C’est la chanson qui ouvre l’album. J’ai été saisi tout de suite, presque dérangé par ce que j’entendais. La voix d’outre tombe, grave et calme de Bashung, les arrangements cinématographiques, tout était éloigné de ce que j’avais entendu jusqu’à maintenant. À travers la brume de cette chanson et le mystère du texte, j’ai fait un grand pas vers les mots, vers leur importance. « Tel » a été un dépucelage poétique. Il y a des morceaux de ce texte qui m’accompagnent encore aujourd’hui. « L’imprudence », c’est une bible de nicotine.
- « Nights » – Frank Ocean : Issu de l’album « Blonde ». C’est le titre qui est au centre de l’album. Construit comme une odyssée intime, en plusieurs parties. La production de ce titre et de cet album ont changé quelque chose dans la pop et le rap. Pour toujours. Il a fait disparaître les ponts entre le rap, la pop, le journal intime, la trap, le Rnb et la poésie. Ce titre en est le meilleur exemple. On marche avec lui sur toutes ces influences, comme sur du verre pilé. Le texte raconte l’alternance des jours et des nuits, de sa vie, entre lyrisme et désoeuvrement de l’adolescence. C’est formidable de rencontrer des disques fondateurs et bouleversants après la vingtaine. C’est le cas avec « Blonde ».
- « Everything in its right place » – Radiohead : Issu de l’album « Kid A ». C’est la chanson qui m’a poussé dans le vide, à 10 ans. C’est un peu comme dans Matrix, je pouvais décider de rester à la surface ou de voir l’envers du décor. D’aller au fond des choses. Pour moi ce morceau est une plongée à l’intérieur de l’architecture intime humaine. J’ai écouté ce titre des milliers de fois. Pourtant je ressens encore le vertige de l’harmonie, la litanie des mots répétés sans fin. J’ai toujours vu ça comme une naissance. Avec ce mélange de joie et de violence. La décharge sensorielle que ressent un enfant quand il vient au monde doit ressembler à ce qui se passe dans ce titre. Chef d’œuvre.
- Requiem « Introit » et Requiem « Kyrie » – Maurice Duruflé : Je voue une véritable obsession pour cette oeuvre depuis quelques années. Les requiems me fascinent depuis que je suis enfant. Celui-ci est particulièrement mystérieux et magique. Il y a dans ces deux mouvements qui se suivent une écriture musicale qui s’élève progressivement, pour atteindre à la fin du Kyrie une apogée musicale, brûlante, ample, céleste. Qui reste pour moi un des chefs-d’œuvre de la musique orchestrale et chorale. Cette oeuvre, en regardant la mort de si près, semble remplie de la vie pure et d’une puissance émotionnelle que je ne retrouve nulle part si fort.
- « Hey, Ma » – Bon Iver : Issu de l’album « I, I ». La musique ultime pour prendre une bagnole et traverser de grands espaces. Il y a beaucoup d’espoir et de lumière dans ce titre. Justin Vernon est un des chanteurs que je préfère, à la croisée de la pop, de la folk, de la musique expérimentale. Le titre est construit comme un énorme titre pop, avec des arrangements étranges qu’on trouve toujours chez Bon Iver. Énorme banger pour tous les amoureux de la route qui aiment crier dans le vent à travers la fenêtre ouverte.
Théo :
- « Andy » – Frank Zappa : Issu de l’album « One Size Fits All ». J’ai l’impression que c’est la toute première chanson que j’ai entendue, dans la 405 de notre père. La voiture a toujours eu un rôle important dans l’écoute de la musique pour notre famille. Mon premier souvenir de musique est lié au plastique de porte de voiture des années 90 et à Frank Zappa.
- « Call From the Dark » – Magma : Issu de l’album « Merci ». L’album de disco-funk de Magma, répudié par les fans du groupe de rock brutal qu’est Magma. Pour moi, ce morceau spécialement contient tout ce que j’aime dans la musique, la musique de danse et la poignance. J’ai le souvenir d’un moment de danse sur ce morceau avec nos cousins lors d’un repas de noël il y a une dizaine d’années. C’était une transe comme on en rencontre rarement dans la vie.
- « Spectrum Sequence » – Machinedrum : Issu de l’album « Human Energy ». Machinedrum nous propose une montagne de couleur. Il explore même la synesthésie, vous savez, ce phénomène neurologique par lequel deux sens sont associés, comme par exemple percevoir des couleurs dans les sons. Dans ce morceau, on entend une voix robotique nous énoncer Les 7 couleurs spectrales. (Rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet). Et à chaque fois que la voix robotique nous énonce une nouvelle couleur, toute l’instrumentation, sauf la batterie, change littéralement de couleur. On à l’impression de se balader entre tout plein d’œuvres de James Turrell.
- « Toys 2 » – Oneohtrix Point Never : Issu de l’album « Age Of ». Morceau génial d’un artiste qu’on adore, ce morceau oscille entre l’ultra cheap et l’ultra mystique. C’est la qualité de Oneohtrix Point Never, côtoyer tout, sans honte aucune, et se déplacer d’une esthétique à une autre à l’intérieur même d’un morceau.
- « Demain c’est loin » – IAM : Issu de l’album « L’École du micro d’argent ». Le chef d’œuvre du rap français, intemporel, inégalable. L’état de grâce de deux artistes qui, tour à tour, délivrent leurs deux plus beaux textes, d’une simplicité et d’une profondeur inouïe.
Le clip « Margot dansait sur moi » :
Terrenoire sur le web :
Retrouvez la playlist dans le magazine N°88 de Francofans